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DES AMIS DES AKTS. 83 Lorsque nous considérons ces tableaux, qui ne semblent avoir d'autre but que de nous procurer les sensations fugitives d'un voyage, lorsque nous portons successivement nos regards sur ces riches plaines, sur ces forêts baignées de vapeur ou éclairées par une lumière caressante, sur ces lointains horizons de la mer, il nous semble nager dans l'infini ; notre âme éprouve une ex- pansion extraordinaire, mais, lorsque nous sortons de cette con- templation, nous n'avons retenu aucune idée distincte; notre intelligence ne s'est point agrandie, nous n'avons éprouvé qu'un plaisir énervant et stérile. L'infini, en effet, n'est point offert à l'homme comme un vain spectacle, c'est un royaume que nous avons à conquérir. Comme notre ancêtre Jacob, il nous faut sans cesse lutter contre l'ange, et c'est par la méthode, la patience, la précision des recherches que le domaine de l'humanité s'étend peu à peu. C'est pourquoi le paysage qui n'est qu'une simple imitation, qui n'apporte à notre esprit, ni une idée nouvelle, ni une forte impression mo- rale, doit être considéré par la facilité avec laquelle il obtient des effets agréables, comme ouvrant une pente dangereuse aux artistes, car il les détourne de la réflexion et du travail. M. Paul Flandrin est du nombre des paysagistes qui mettent du style dans leurs compositions ; ses trois tableaux ont, mal- gré leurs petites dimensions, toute la noblesse du paysage his- torique ; ce sont les églogues de Virgile traduites sur la toile. Sous ces arbres à l'épais feuillage, aux formes majestueuses, on reconnaît bien vite Lycidas, Damon, Ménalque, Mopsus se ren- voyant les vers mélodieux du poète de Mantoue. M. Flandrin , lui aussi, veut que les forêts soient dignes des consuls. M. Servan répand sur la nature qu'il reproduit la grâce du christianisme naissant: la terre se présente à l'homme, fertile, émaillée de fleurs, embaumée, comme pour lui rappeler sans cesse la main d'où elle est sortie, et le convier à la prière. 11 y a toujours une pensée douce et sympathique dans les tableaux, de M. Servan.- l'exécution manque de variété et le dessin, soit dans les personnages, soit dans les arbres, n'a pas la fermeté et l'exactitude désirables. MM. Lambinet, Pron, Balfourier, Prieur nous ont donné, au contraire, des compositions où les terrains, les eaux et les arbres dénotent une application sérieuse à imiter la réalité. M. Ponthus-Cinier est un des plus féconds parmi nos artistes- lyonnais. Son exposition se compose de douze tableaux ; c'est trop : le public aime à supposer de l'étude et des difficultés vaincues. Dans ces douze tableaux, représentant des sites tirés de contrées diverses, il remarque les mêmes eaux, la même ver- dure, un même aspect, et il pense que l'artiste a plus souvent travaillé dans son atelier qu'en présence de la nature.