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-JG EXPOSITION DE LA SOCIÉTÉ ambitieuse et impuissante, tous ces monstres sortis des ténèbres l'accompagnent et lui servent de soldats ; elle plane dans les airs, couverte du voile perfide qu'elle laissera tomber pour fondre sur sa proie inattentive. La composition de M. Ravel de Malleval annonce un talent d'une riche sève ; elle renferme des créations énergiques dont le type est original, et répond aux efforts que fait notre imagina- tion en un tel sujet; la science du dessin est remarquable, le mou- vement bien accentué ; mais à côté des figures que l'œil peut em- brasser, que l'intelligence peut comprendre, que de monstres in- formes, quelles masses de chair flottant dans l'espace, quelles obscurités ! Si l'artiste a voulu représenter la nature rentrant dans le néant , il a donné à cette intention une trop grande place ; il s'agissait en effet d'un tableau à faire ; or, pour donner l'idée du chaos, le dessin et les autres conditions de l'art sont à peu près inutiles. M. Henri Scheffer, qui n'avait point, paru à nos Expositions depuis fort longtemps, nous a envoyé trois toiles qui se dis- tinguent par une exécution très-fine : d'abord un Portrait de Mgr Sibour, archevêque de Paris ; ensuite le Christ au Jardin des oliviers, offrant à son Père, dans l'extase de l'amour, le sa- crifice qu'il va accomplir. Ce tableau nous semble rappeler la manière de Carlo Dolci, c'est dire que la beauté de la tète du Christ est un peu empreinte d'afféterie et de mollesse. La scène d'intérieur, « Heureux ceux qui croient » représente sans doute un ministre protestant entouré de sa famille : le père et la mère lisent la Bible ; deux enfants à leurs pieds feuillettent également un livre. Le sentiment pris pour thème par l'artiste, ne frappe point suffisamment l'esprit. Nous voyons un théolo- gien, père de famille , heureux d'avoir découvert un argument, une preuve nouvelle de sa doctrine, enseignant à ceux qui l'en- tourent les trésors de la loi écrite, nous ne voyons pas le bonheur donné par la foi : ceux qui croient aiment l'action plus que l'é- tude ; leur conviction est formée, et ils répandent au dehors la lumière qui les inonde. Le grand tableau de M. Heim , la Défaite des Cimbres et des Teutons par Marins, est donné par le Gouvernement à notre Musée. Cette composition, conçue dans le genre décoratif, aurait été mieux placée dans les plafonds ou sur les murailles d'un édifice officiel ; elle n'a point la vérité ou la poésie que l'on re- cherche dans les tableaux de collection ; c'est une toile d'apparat à grands effets prétentieux, qui demanderait à être encadrée dans des ornements d'architecture. La scène mythologique de M. Picou offre de belles études ; l'enfant assis sur une biche, le satyre ou le berger vu sur le second plan, sont d'un modelé pur et agréable ; la femme debout paraît démesurément grande. Il y a dans ce tableau l'attrait de