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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 65 sociale, telle est à proprement parler l'œuvre sans aucun doute très-distinguée de notre collaborateur. Il n'a point voulu, du moins directement, nous montrer le saint qui de tout temps fut regardé comme un des plus étonnants imitateurs du Christ, mais le grand homme dont la pensée, quoique incessamment empor- tée à l'extase des choses du ciel, en accomplit pourtant de si gigantesques sur la terre. Nous ne prétendons pas analyser des pages qui ont elles-mêmes tout le tissu serré d'une analyse ; en- core moins pouvons-nous donner en raccourci les tableaux tour à tour si gracieux ou si grandioses où de temps en temps l'auteur fait reposer notre imagination ; qu'il nous suffise de caractériser la portée générale du livre de M. Morin et d'en détacher quelques traits qui en indiqueront le mouvement et la couleur. Un coup d'oeil jeté sur l'état de la société chrétienne au com- mencement du XIIIe siècle montre d'abord sur quel théâtre va opérer le fondateur des ordres mendiants. Le monde de cette époque, où l'on est en plein moyen âge, offre plus d'une analogie avec notre ère moderne. Le problème du paupérisme s'y agitait et y produisait des convulsions et des horreurs que les nôtres n'ont pas égalées. De toute part il surgissait des sectes qui en appe- laient à l'Evangile et qui, prétendant seules bien comprendre et réaliser l'idéal chrétien, s'élevaient contre les pouvoirs les plus sacrés, sacerdoce et magistrature, s'en prenaient à toutes les institutions existantes, clergé , noblesse, propriété, famille, et sur ces ruines voulaient fonder le régime de la liberté, la frater- nité de l'amour, l'égalité de la richesse, enfin ce règne du Saint- Esprit où l'humanité allait jouir de toutes les délices d'un nou- veau paradis terrestre. Des conflits terribles, d'épouvantables massacres sortirent de ces aspirations désordonnées, de ce mys- ticisme en délire. La division était profonde : les novateurs, au nom du christianisme, de la charité, se laissaient emporter aux plus monstrueux excès ; les hommes de l'orthodoxie réagissaient avec toute l'énergie cruelle d'un temps encore à demi-barbare. Or, un homme fut suscité par la Providence, qui devait appor- ter un grand apaisement au milieu de cette société ballottée par les orages. Ici nous ne pouvons que citer M. Morin : 5'