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DANS LKS LITTÉRATURES CLASSIQUES 321 naît l'âne de Buridan, ce champion de la philosophie sceptique, qui aime mieux se laisser crever plutôt que de prendre une décision ? Non moins connu est l'âne qui pon- tifiait à la fête des Fous. Sans faire l'histoire de cette fête, il convient d'en dire un mot. Les rites variaient avec les différentes villes, mais tous s'attachaient à rappeler l'inter- vention constante de l'âne dans l'histoire du peuple de Dieu. En considération de cette mission divine, on asseyait l'âne dans une stalle de chanoine, revêtu des ornements les plus riches et on chantait une messe spécialement composée en son honneur. Dans cette messe, tous les versets du Kyrie, du Gloria, du Credo, e t c . . étaient remplacés par trois Hin han. La prose célébrait les vertus physiques et morales de l'âne, en un style semi-biblique, formant contraste avec les plaisan- teries qu'il exprimait ; les couplets en latin alternaient avec un refrain en français : Hez, sire âne, car chantez, Belle bouche rechignez; On aura du foin assez Et de l'avoine à planté. Il y avait aussi des vêpres composées avec des fragments de tous les offices de l'année, tristes et gais, juxtaposés à plaisir et qu'il était recommandé de chanter in-falso. Après le souper, le préchantre ou précenteur, menait l'âne sur la place de l'église où se jouaient des farces; quelques seaux d'e*au sur la tête du préchantre, pour clore la liste des plai- santeries, et l'on allait chanter matines. Que faut-il voir dans cette fête? Un scandale? Assuré- ment non, mais plutôt un symbole de la réhabilitation du faible par les doctrines chrétiennes. C'est un lieu commun