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                           LE CHRIST D'iVOIRE                309



    Vaincu par ce refus persistant, Puget quitta l'église et se
 retira, accompagné jusqu'à la porte du couvent, par Dom
Palémon.
   Arrivé sur le seuil et prêt à le franchir, Puget se retourna
 encore vers le moine :
   — Ainsi donc, dit-il, vous me refusez la dernière faveur
que je vous ai demandée. Mais si je ne puis savoir le nom
du grand artiste, que possède la chartreuse de Bonpas,
dites-lui au moins combien j'ai admiré son christ et com-
bien j'ai trouvé son œuvre belle et digne d'éloge. Cela, me
le promettez-vous, mon père ?
   — Non, je ne puis le faire, répondit Dom Palémon.
Le lui dire, ce serait encore flatter son orgueil et Dieu
doit lui suffire. Pourquoi réveiller ainsi en lui un sen-
timent qui nous éloigne de la perfection chrétienne,
but souverain de la vie religieuse ? En se donnant tout
entier à Dieu, le chartreux est mort à lui-même et l'au-
teur de ce christ doit ignorer tout ce qui peut lui rappeler
les joies terrestres, qu'il a pu goûter autrefois.
   — Adieu donc, père, dit tristement Puget.
   — Adieu à toujours, répondit Dom Palémon.


                                   *

  La porte se referma, et baissant la tête sous son froc,
Dom Palémon revint à l'église. Là, il se jeta au pied de
son christ et se plongea dans une longue méditation et
une fervente prière. Ce qu'il demanda à Dieu, dans ce
moment, ce n'était plus l'oubli du passé, mais la force de
se résigner à un dernier renoncement. La tentation d'or-
   N»4   — Octobre 1894.                                21