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2l8                    LES SIRES DE BEAUJEU

    C'est dans cette charte de Villefranche que se trouve
le fameux article qui, d'après une interprétation saugre-
nue, donnerait au mari le droit « de battre sa femme
jusqu'à effusion de sang, pourvu que la mort ne s'ensuivît
pas. » Cette interprétation a été admise par la plupart des
historiens, qui se la sont empruntée les uns aux autres sans
se donner la peine de la vérifier sur l'original. M. Michaud
le premier, en a reconnu la fausseté. Et en effet, si l'on
se donne la peine de lire le texte sans parti pris, on voit
que cet article est loin d'avoir le sens grotesque qu'on lui
a prêté gratuitement, faute de s'être rendu compte des cou-
tumes et des mœurs du Moyen Age. Le seigneur, à cette
époque, possédait sur ses vassaux une foule de droits per-
sonnels dont l'usage, tolérable et admissible en soi, pouvait
facilement enfanter des abus et amener des vexations exces-
sives de la part des officiers qui étaient chargés de les
recouvrer. C'est pour prévenir des abus possibles, et pour
conserver le foyer domestique libre de toute intervention
étrangère, que l'article 63 de la charte limite à un seul cas
le droit du seigneur d'intervenir dans les discussions entre
époux. Cet article est ainsi conçu :
   « Si un bourgeois a frappé ou battu sa femme, le seigneur
ne devra accueillir aucune plainte à cause de ce fait, ni
demander ou percevoir aucune amende, à moins que les
coups n'aient amené la mort (6). »
   Il me semble que cet article bien compris mérite toute
autre chose que les plaisanteries et les rires qui accom-
pagnent ordinairement la mauvaise traduction qui l'a


  (6) Voici le texte même de l'article : « Si burgensis uxorem suam per-
çussent seu verberaverit, dominus non débet inde recipere clamorem,
nec emendam petere nec levare, nisiilla ex hac verberatione moriatur. »