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362                     PIERRE DE NOLHAC

   D'ailleurs, pendant le Moyen Age, les idées courantes sont
toutes opposées au monde antique. Si Grégoire de Nazianze,
Jérôme, Augustin en avaient conservé l'amour, malgré le
caractère sacré dont ils étaient revêtus, Grégoire le Grand,
Alcuin, Vibald de Korvey considèrent les lettres latines
comme dangereuses et capables de nuire aux idées religieuses
de leurs contemporains. L'Eglise ne tendit pas la main à
l'Antiquité. Partant, les efforts des savants médiévaux
se heurtèrent contre les murs d'airain de la scolastique
interdisant à l'intellect de s'abreuver aux sources anciennes.
L'étude des auteurs latins se faisait surtout dans les cou-
vents ; quand elle passa aux universités, elle ne fut tout
d'abord que très succincte et ne servit guère qu'à résoudre
des problèmes théologiques ou philosophiques d'une impor-
tance, après tout, secondaire.
   Dante fut le premier de ses contemporains à reconnaître
la beauté de la langue latine et sa supériorité sur l'idiome
vulgaire, encore dépourvu de règles fixes et fort éloigné
alors du plein développement qu'il devait lui donner
plus tard. Avec l'auteur de la Divine Comédie, l'homme
prend une juste conscience de sa valeur personnelle.
« Au développement de l'individu, correspond aussi un
nouveau genre de signe extérieur : la gloire moderne »,
dit avec raison Burckhardt (3). Auprès de Dante, grandit
un groupe d'auteurs, nourris de lettres classiques. C'est
Mussato, Ferretode Vicence, Campesano, Jean de Cerme-
nato. Ces écrivains commencent à remonter aux vraies
sources antiques. A la vérité, ils ne connaissent pas le


  (3) Cf. dans mon volume sur Claudius Popelin (Paris, Lemerre,
1894), les pages consacrées à l'influence qu'exercèrent sur leur temps,
Pétrarque et Dante.