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ALPINISME RÉTROSPECTIF 47 I et se sent envahie par un sommeil léthargique contre lequel elle lutte avec une incroyable énergie. Cet état d'agonie dure quatre heures ! Mais la victoire est proche : « A i h. 25 minutes, dit-elle, mon pied foulait le sommet du Mont- Blanc et je plantais enfin mon bâton ferré sur sa croupe, comme un soldat son étendard sur la citadelle qu'il a emportée d'assaut... Assise sur la cime, la face tournée du côté de la France, j'écrivis de ce trône neigeux cinq billets qui témoignèrent aux personnes qui les ont reçus, de mon souvenir pour elles : un à mon frère Henri, un à mon frère Adolphe, un à mon amie Mme Rath, de Genève, un à la comtesse de Fontanes, et un à MIle Herminie de Nan- souty. » Ici se place une charmante anecdote rapportée par J.-A. de Luc, le naturaliste genevois. Le guide-chef Couttet, s'adressant à M"e d'Angeville lui dit : « Maintenant que vous avez vu tout ce que vous pouvez voir d'ici, il faut que vous montiez encore plus haut que le Mont-Blanc. — Y a-t-il donc un chemin qui mène à la lune? répond-elle en riant. — Vous allez voir! » — Et, lui présentant ses deux mains réunies à celle de Desplan, un autre guide, il l'invita à s'asseoir sur ce siège improvisé. Les deux guides réle- vèrent aussi haut qu'ils purent, après quoi ils lui deman- dèrent la permission de l'embrasser, en lui disant qu'ils méritaient bien cette faveur. Elle y consentit de grand cœur et raconta plus tard que ces baisers furent si bien appliqués qu'on aurait pu les entendre de Chamonix. A 2 h. 10, après une heure de repos, la descente com- mence. Elle est pénible et pleine de dangers; les voyageurs sont contraints à passer une seconde nuit aux Grands-Mulets. Le retour fut un triomphe; la petite troupe rentra à Cha- monix au milieu des vivats et des acclamations.