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414          LETTRES SUR UN VOYAGE EN FRANCE

Pasques pour le placer. On m'a dit que ce quatrième rang
serait souvent vide, et que même .la salle comme elle étoit,
se trouvoit quelquefois trop grande. La totalité n'eût pas
suffi le jour que je m'y suis trouvé. Larive (4) étoit venu
remplir le rôle d'Orosmane dans Zaïre, et la curiosité y
avoit conduit un très grand nombre de spectateurs. Les
loges étoient garnies d'un cordon ondoyant de chapeaux,
de bonnets, de plumes et de rubans. Aucun homme n'eut
osé y prendre place sur le devant, le parterre, d'ailleurs
très bruyant et peu contenu, en eût fait justice. Le moins
intéressant du spectacle étoit les comédiens, paraissant
encore plus mauvais par le voisinage de Larive.
   « Il faut maintenant quitter le pays des illusions pour
celui de la réalité, c'est le revers de la médaille. Ceux qui
se contenteront d'une de ses faces feront bien de ne pas
quitter la salle de spectacle, car à peine auront-ils touché
le seuil de la porte que tout le charme sera détruit. Une
horde de véritables pauvres, à qui l'argent que l'on vient de
donner pour voir une pièce mal jouée, eût servi pour vivre
un jour ou deux, va s'empresser au devant d'eux, les
entourer, les suivre, et implorer par leurs touchantes solli-
citations la pitié qui sommeille dans leurs cœurs. Ces
malheureux, ces importuns qui viennent offrir l'image de
la misère à ces heureux sybarites, qui sont-ils donc?... Les
ouvriers des fabriques, que le manque de soye a réduit


    (4) Jean Mauduit, dit Larive, né le 6 août 1747 à la Rochelle, mort
le 30 avril 1827. Il débuta à Tours, vint pour la première fois à Lyon
en 1767 où il réussit complètement. Il fut ensuite élève de Lekain et
débuta le 3 septembre 1770 à la Comédie Française. (Emra. Vingtti-
nier. Le Théâtre à Lyon pendant le XVIIIe siècle; Revue du Lyonnais,
4 e série, t. VI.)