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DANS LES LITTÉRATURES CLASSIQUES 3 19 toute la littérature grecque, pour arriver en l'an 150 ou iéo de notre ère, époque à laquelle se rattache la vie d'un homme qui fut tout l'envers d'un prophète : aussi négatif, aussi railleur, aussi léger que la Bible était affirmative, dogmatique et solennelle. Je veux parler de Lucien^ dont tout le monde connaît les Dialogues des morts, chers aux bacheliers d'il y a quelques années. , Avant lui, l'œil délicat des auteurs helléniques s'était rarement arrêté à contempler le coursier des montagnes de l'Arcadie, saus doute parce qu'il répondait mal à leurs exigences esthétiques. Etant fortement incrédule et nova- teur, Lucien trouva plaisant, en même temps qu'il se gaussait de Jupiter, d'Hercule, de Bacchus et des plus beaux dieux du vieil Olympe classique, de consacrer sa meilleure tablette à nous raconter les gentillesses d'un âne galant et homme d'esprit. Car Lucius est un jeune homme un peu trop curieux, qui recourt aux procédés magiques et qui, voulant se changer en oiseau, se trompe de boîte, et se frotte avec la pommade qui change en âne. Il n'arrive à recouvrer sa forme humaine qu'après les aventures les plus inimagina- bles. Il va sans dire qu'il garde, autant que sa forme le lui permet, les goûts, les défauts et les qualités de l'homme qu'il fut. De cette odyssée fantastique, où le merveilleux de con- trebande et les descriptions graveleuses occupent la place d'honneur, la conclusion serait que la vie galante était presque toute la vie à cette époque, et que la magie résu- mait la philosophie et la religion pour cette société déjà en décadence. D'autres opuscules de Lucien, et une foule de passages des auteurs grecs et latins viendraient encore la confirmer, s'il était nécessaire.