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510 LE CHRIST D IVOIRE gueil, qu'il venait de subir, ne pouvait-elle pas se renou- veler? Et lui serait-il possible d'en triompher encore? S'il voulait éviter de nouvelles épreuves, ne lui fallait-il pas abandonner, d'une manière absolue, cet art, qui depuis son enfance, avait fait le charme de sa vie ? Ah! sans doute, ce sacrifice était douloureux, plus dou- loureux encore que celui qu'il s'était imposé, le jour, où, par des vœux solennels, il s'était engagé dans l'ordre de Saint-Bruno. Mais quand il eut prié avec ferveur, et comme si l'expres- sion d'indicible souffrance, qu'il avait imprimée sur l'auguste face du Dwin Crucifié, lui eut donné le courage qui lui était nécessaire, dans cette dernière lutte où son cœur se brisait, il se releva, l'âme sereine, et prêt à tous les sacrifices. ** Sur-le-champ, il se rendit auprès du prieur pour lui ouvrir son cœur et lui communiquer la détermination suprême, à laquelle il s'était résolu, dans la prière et dans les larmes. Il lui fit connaître les grandes joies qu'il avait dues à l'art de la sculpture, la visite de Puget, le sculpteur si renommé, l'admiration que le grand artiste avait manifestée pour son christ d'ivoire, son insistance pour connaître le nom de son auteur, le mouvement d'orgueil qu'il avait éprouvé, lorsque, après tant d'éloges, Puget s'était nommé, et enfin le triomphe de son humilité. Mais ce triomphe était-il suffisant? Le démon de l'orgueil ne pouvait-il pas le tenter de nouveau ? Or, pour expier sa faute et prévenir le réveil d'un sentiment, qui pouvait troubler la paix de son âme, un seul moyen lui paraissait