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LE CHRIST D'iVOIRE 3 II efficace. C'était de renoncer désormais à ses travaux artis- tiques, pour se livrer uniquement aux exercices de piété et à quelques œuvres d'un ordre infime, dont il ne pourrait tirer aucune vanité. Et telle était la détermination qu'il venait soumettre humblement au prieur. Ce dernier avait écouté Dom Palémon en silence. Quand il eut fini : — Mon frère, lui dit-il, la règle de Saint-Bruno n'impose point un tel sacrifice. Elle laisse à chacun le soin de juger ce qui convient à l'état de son âme. Mais vous craignez de retomber dans le péché d'orgueil et vous croyez qu'il vous est nécessaire de rompre à jamais le dernier lien qui vous rattache à la vie du siècle. Soit, je vous y autorise et Dieu vous récompensera un jour de ce dernier sacrifice. Je le regrette pourtant et nous le regretterons tous, surtout à cause de cette statue de saint Bruno, ébauchée par vous et dont la tète se dégageait déjà si vraie et si vivante du marbre. Mais qu'importe cependant? Saint Bruno n J a-t-il pas demandé à tous ses enfants, le détachement de toutes les vanités humaines, dans la mort du cloître? Allez donc, mon frère, et faites comme vous l'avez résolu. * ** La nuit tombait, quand Dom Palémon sortit de la char- treuse, par une porte s'ouvrant sur les rives de la Durance. Pendant quelque temps, il suivit les bords de la rivière. Arrivé près d'un gouffre, dont on n'avait jamais vu le fond, il s'arrêta. Et, pendant que des larmes mouillaient ses pau- pières, il jeta l'un après l'autre, dans ce gouffre, tous ses outils de sculpteur.