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 192                  LE CHRIST D'iVOIRE

érudits, mais dont la vie, à ses débuts encore recouverts
d'obscurité, s'était écoulée dans des conditions peu ordi-
naires.
   Né dans les montagnes du Velay, près de Tence, il avait
été attaché d'abord, comme enfant de chœur à la cathé-
drale du Puy, puis il était devenu, pendant dix ans, page de
la reine Marguerite de Valois, femme d'Henri IV, alors
exilée dans son château d'Usson, en Auvergne.
   Dans cette cour, que fréquentaient les plus beaux esprits
du temps, prosateurs et poètes, l'intelligence de l'enfant se
développa librement ; l'étude des lettres et le culte de la
poésie plaisaient surtout à sa vive imagination, et c'est sans
doute dans la riche bibliothèque de cette princesse, qu'il
puisa cette érudition classique, qui donne à ses œuvres
ascétiques un caractère particulier.
    Comment, un jour, dans le cours de sa vingt-unième
année, fut-il amené à s'arracher à la vie de fête et de plaisir,
que l'on menait alors dans le vieux château d'Usson ? La
grâce divine, comme il semble l'insinuer quelque part,
suffit-elle pour opérer cette rupture? Ne peut-on pas plutôt
voir dans sa vocation subite pour la vie religieuse, l'effet
d'une ambition déçue ou même d'un tendre attachement,
cruellement trompé, pour l'une des demoiselles d'honneur
de la reine ? Tout celapeut s'induire de divers passages de ses
écrits. Mais on ne le saura peut-être jamais d'une manière
exacte et précise. Au lendemain de son entrée à la Grande
Chartreuse, Dom Polycarpe a bien écrit un livre, réédité à
plusieurs reprises, qu'il a intitulé : L'Adieu au monde et le
mépris de ses vaines grandeurs. Mais, dans ces pages, médi-
tées à loisir, il dépeint seulement, d'une manière générale,
l'état d'une âme qui a éprouvé de cruelles déceptions, sans
nous faire connaître la cause réelle de sa vocation religieuse.