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ÉPISODES DU SIÈGE DE LYON E N . I 7 9 3 157 lyonnaise ayant tout absorbé, ma grand'mère dit à Saint- Jean de prendre la calèche, les deux chevaux et les harnais neufs et vieux et de quitter la Salle sans perdre une heure. Saint-Jean refusa, c'était sa première désobéissance, mais il dut céder aux injonctions de ma grand'mère. Jean Bella s'établit à Montbrison, chaque semaine il conduisait des voyageurs à Lyon en couchant à Saint-Etienne. A son arrivée, son premier soin était de visiter nos chers prison- niers en leur apportant quelques douceurs. Il s'était procuré à prix d'argent des intelligences dans les prisons, et il con- naissait le jour et l'heure des exécutions. Suivre ses maîtres jusqu'à la mort, nous disait-il, était son devoir le plus sacré. Mon grand-père fut foudroyé au moment de l'exé- cution, mais mon grand-oncle vivait encore après la décharge de la mitraille, il le prit sur ses épaules. Mais un brigand de la horde jacobine l'atteignant, il reçut un coup de baïonnette dans le flanc droit, dont j'ai vu la cicatrice. C'est Saint-Jean qui m'a donné la description de la plaine funèbre. Il était également au pied de l'échafaud de ma grand'mère, qui a pu lui remettre le portefeuille contenant la lettre. Enfin ayant appris le mariage de mon père, il arrive au château de la Combe en Maçonnais. Mon père était absent et il dit à ma mère : « Je suis Saint-Jean et je viens reprendre ma place. » Lorsque, en novembre 1819, nous sommes partis pour le collège de Brigue dans le Valais, ma mère et Saint-Jean nous ont accompagnés jusqu'à Genève ; en nous quittant, le bon vieillard voulut nous avoir les uns après les autres dans ses bras. Nous ne l'avons pas revu, il se mit au lit quelques jours après le retour, et lorsque le prêtre lui apporta le saint Viatique, il se fit asseoir dans son lit et les mains jointes, il dit ces belles paroles : « Mon Dieu, Maître des Maîtres, je vous