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LE SALON DE 1875 Les Expositions annuelles d'oeuvres d'art présentent à l'observateur un double inte'rêt. Il ne se plaît pas seulement à constater les progrès de chaque artiste el les modifications qui ont pu s'opérer dans son talent, à compter les nouveaux venus dans l'arène et à mettre en parallèle leurs divers mérites. Cette espèce d'analyse d'un Salon offre à coup sûr le plus piquant attrait. Mais, après cette étude de détails, et, se plaçant à un point de vue supérieur, l'homme qui réfléchit aime à faire la synthèse, à tirer la pensée philosophique qui se dégage de tous ces objets et à rechercher les tendances dont l'artiste inconscient a marqué son œuvre. En général, les productions littéraires et artistiques subissent l'influence de leur temps et en sont une manifesta- tion frappante et durable. C'est ainsi que certaines civilisa- tions ont brillé d'un si vif éclat, tandis que de longs âges sont demeurés ensevelis dans les ténèbres. Le siècle de Périclès et celui de Léon X étaient pleins de vigueur et de jeunesse, de courages héroïques et de fermes croyances, et, sous l'impulsion de ces forces vitales, ont apparu de sublimes génies qui ont étonné le monde. Vienne, au contraire, un temps de crise et d'incertitude, comme le nôtre, où la foi fait place au scepticisme, où les caractères s'amollissent et s'abaissent, quel essor trouvera le génie, quel enthousiasme pourra l'élever au-dessus des faiblesses et des découragements qui l'environnent ? Notre dessein n'est pas de faire une étude philosophique de l'inlluence des milieux sur les ouvrages de l'esprit ; il