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3!G               LA FONTAINE DO DIABLE.

adoucissent mes douleurs, ou plutôt, je n'en sens point
auprès de toi, car je t'aime, je t'aime ! et le ciel com-
mence pour ta fiancée, lorsque tu lui parles de ton
amour!
    La jeune fille retomba, épuisée, sur son oreiller; mais
qu'elle était belle ! c'était vraiment la Muse, avec ses
longs cheveux noirs dénoués et pleins d'ondulations,
avec ses yeux qu'un éclair illuminait, avec les couleurs
de la fièvre qui faisaient ressortir le bleu si rare de ses
prunelles et la blancheur si transparente de ses joues !
Joseph était en extase, comme poète et comme amant;
 il la contemplait, ravi, mais une crainte douloureuse lui
brisait le cœur et, de même qu'André, il se disait, en
 tremblant :
     — Elle est trop belle!... le ciel nous la prendra!...
    — Non! non! s'écrsa-t-il, comme sortant d'un rêve,
je ne veux pas croire que la mort s'approche pour t'en-
 lever à ma tendresse!... N'es-tu pas à moi, chère âme
 de ma vie!...
     — Pauvre Joseph! c'est vrai, nous eussions fait un
  délicieux ménage... Mais je t'en conjure, ne te livres pas
  au désespoir!... Quand je vois des larmes dans tes yeux
  bleus si francs, si pleins de lumière et de génie, cela me
  fait mal; je n'ai plus de courage, vois-tu!
     Parlons plutôt de mon enfance, lorsque tu me portais
  dans tes bras ou que tu prenais ma main mignonne, pour
 me mener écouter les concerts d'oiseaux, chercher des
 fleurs ou saluer le Rhône !...Àh! monfleuve chéri! je l'aime
 mieux que la Seine ! il est plus beau, plus magnifique,
 plus royal! Tu iras le voir, en mon nom, lorsque je serai
 morte...Ensuite, n'oublie pas les Beaumes, et cette Fon-
 taine du Diable, où nos deux noms furent prononcés par
  Madame Diane de Poitiers, ce qui nous enchanta naïve-