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430 DE Là RÉPUBLIQUE ROMAINE. mérité cet éloge. L'abus de l'esprit, les mœurs relâchées et mondaines, la simplicité dédaigneuse des manières ont empêché le succès du grand politique. Les hommes con- sentent quelquefois à être dominés, mais ils ne souffrent jamais qu'on les méprise. César désespéra les républicains par ses ironies plus que par son ambition. Il se joua de tout ce qu'ils avaient respecté, des magistratures et des lois, des hommes et des mœurs. Le sénat, l'ordre équestre, les tribuns et les consuls furent en butte à son insolent persiflage. Sa clémence même finit par paraître cruelle, parce qu'on s'aperçut qu'il n'estimait pas assez les hommes pour les craindre ni pour les haïr. César fut assassiné, mais la liberté ne reparut pas, et l'on eut, avec les soldats mercenaires et la multitude corrompue, la dictature sans le dictateur et le despotisme sans la gloire. Après quinze ans de proscriptions et de guerres civiles, Auguste suc- céda seul à toutes les grandeurs de Rome. 11 établit ce régime bâtard qui ne fut ni la monarchie ni la république. Rome, sous l'empire, eut à subir toutes les misères que peuvent engendrer les abus de ces deux formes de gou- vernement. Résumons en peu de mots les causes qui firent tomber le peuple romain dans ce double malheur. II avait grandi pendant trois siècles par l'adoption continuelle des vaincus, qui devenaient citoyens,et par l'envoi des citoyens dans les colonies, où les lois agraires les établissaient, et à leur tour ces colons conquéraient pour Rome de nouveaux citoyens et des territoires pour des colonies nouvelles. Le tribunat de la plèbe était comme le cœur de Rome, il imprimait le mouvement à cette double circulation. Mais Rome victorieuse de Carthage, en 241, se crut assez forte pour ne plus grandir. Le mouvement intérieur fut inter- rompu, et ce grand corps ne se renouvelant plus perdit sa force. En vain les Gracques essayèrent, par les lois agrai- res et l'adoption des Italiens, d'y faire rentrer la vie avec un sang nouveau. Il n'était plus temps ; un siècle d'abus avait tout glacé, tout oblitéré. La classe moyenne des pro-