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304               LA FONTAINE DU DIABLE.

mêle une tendresse, un charme, une expression qui font
 dire : — l'âme est là, avec un délicat ciseau pour ser-
viteur !
    Jean Goujon était aussi un habile architecte parisien,
 et toujours un ouvrier de génie. Sa fontaine des Innocents
 et son admirable travail à la partie la plus estimée du
vieux Louvre sont des oeuvres immortelles.
    Que l'on me permette de dire encore ici, avec orgueil,
que c'est un fils le notre • province qui a préservé de
 l'incendie des barbares le palais des Valois, le palais des
Arts surtout, le palais de la France et de l'Europe en-
tière ! — Jean Goujon, vous avez .dû bénir le brave
 commandant de Sigoyer, se levant avec énergie pour
protéger votre œuvre, et vous l'avez remercié là-haut,
 dans le sein de la gloire, car la gloire est de tous les
mondes radieux!
    Contemplons à présent cette belle tète d'artiste, au
moment de son travail. — Il m'a été donné de voir der-
nièrement, dans une grande ville, une statue en bronze
de Jean Goujon, comme pendant à celle de Van Dick. On
n'ignore pas que l'illustre peintre flamand avait une re-
 marquable physionomie, très-ouverte, un peu cavalière
et véritablement originale, avec ses grands yeux expres-
 sifs, son front hardi, sa moustache relevée et le tout
ensemble, qui lui donnait un air vainqueur.
    Aussi, avait-il les œillades amoureuses des fières du-
chesses d'Angleterre que sa main daignait peindre ; elles
en étaient passionnément éprises. — Eh bien ! n'en dé-
plaise à ces altières beautés, je préfère de beaucoup la
figure pensive et distinguée aussi, mais plus méditative,
de Jean Goujon.
    Sa taille svelte était bien prise, son costume d'atelier
lui seyait à ravir. Il travaillait alors à je ne sais quel