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DE°LA RÉPUBLIQUE ROMAINE. 415 « plus grand nombre l'emporte, possède un gouvernement « qui mérite le nom de démocratique...; mais lorsque la « démocratie s'est transmise à plusieurs générations, alors « on n'estime plus à son juste prix l'égalité? des droits ni « la franchise de la parole. Chacun cherche à dominer la « foule et ce sont surtout les plus riches qui tombent dans « ce défaut. Lorsqu'ils ont la passion des honneurs poli- « tiques et qu'ils n'y peuvent arriver par eux-mêmes et par « leur propre mérite, ils dissipent leur fortune pour ache- « ter des suffrages et corrompent la multitude en lui « jetant les appâts les plus grossiers. Lorsqu'ils en ont « fait une populace mauvaise, habituée à manger ce qu'on « lui distribue, alors le régime démocratique périt à son « tour et dégénère en un régime de violences et de coups de « main. Les hommes du peuple, habitués à dévorer le bien « d'autrui et à compter pour vivre sur la fortune de leurs « voisins, lorsqu'ils trouvent un chef ambitieux et hardi « que sa pauvreté exclut des honneurs politiques, achèvent « de constituer le gouvernement de la force brutale. Us « égorgent, ils exilent, ils partagent les terres, jusqu'à ce « que, retombés à l'état des bêtes féroces, ils rencontrent, « pour les dompter de nouveau, un monarque et un maî- « tre. Tel est le cercle des révolutions, telle est la loi de la « nature. » Si Emilien avait lu ces pages vraiment prophétiques où, comme Anchise évoquant des limbes de l'avenir les âmes des héros futurs de Rome, Polybe écrivait d'avance l'his- toire des ambitieux et des démagogues qui devaient un jour la perdre, le vainqueur de Carthage avait bien raison de pleurer sur son pays. Mais ce n'était pas seulement la philosophie de Polybe qui projetait ce jour lointain et sinistre sur le siècle qui allait s'ouvrir. Sans interroger l'expérience si complète des républicaine de la Grèce, un homme d'Etat romain pouvait savoir que depuis long- temps Rome ne vivait plus.]que de sa grandeur acquise,