page suivante »
ÉTUDE SUR LE PATOIS LYONNAIS. 187 Tout mort qu'il est, le Cid s'en va encore gagnant des ba- tailles. Recouvert de ses armes, attaché sur Babieca, droit et vivant en apparence,on le met en tête de l'armée qui mar- che contre les Mores. Bubar et les autres rois ses alliés, prisa sa vue d'une irrésistible panique, fuient en toute hâte et sont moissonnés par le fer des compagnons du Cid, ou périssent dans les flots. Ainsi vont-ils durant quelques jours,poursuivant le cours de leurs victoires : El buen Cid era finado Lo bon Cid êquie défini. Cavallero va en Babieca A chivau va su Babieca Con los suyos a su lado, Avoï îos sinos à sou lô. Los que no saben su muerto Cellos que ne seian sa mort Por vivo lo avian juzgado. Par vivant l'aman jugi. Cada vez que haven jornadu, Choque vaï qu'i faisian (!) jornô Quitavanlo del cavallo. I lo quilôvon (2) d'à chivau. Les victoires gagnées, les cérémonies des funérailles achevées, on veut descendre le corps dans sa tombe : mais dona Chimène s'y oppose ; le corps embaumé et toujours en apparence plein de vie, est déposé près de l'autel de Car- dena tenant encore en main Tisonne sa bonne épée. Par un miracle dont Dieu se plut à honorer son serviteur, il resta ainsi dix années sans subir d'altération.La chronique rap- porte à ce sujet plusieurs prodiges, entre autres celui d'un Juif, qui voulant prendre irrévérentieusement dans ses mains la barbe du héros, vit le bras du Cid se lever, brandir sur lui sa terrible épée, et tomba à demi-mort aux pieds du corps vénéré. Emu, transformé par ce miracle, le juif con- verti prit le froc et finit ses jours dans le monastère en fer- vent chrétien. Le romancero du Cid, de même que nos vieilles ballades ou chansons, comme on le voit, est écrit en vers blancs, (1) Chaque fin de jour. (2) I lo quitôvon, iJs le descendaient de cheval.