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                  LA FONTAINE DU DIABLE.                 318

nent... Te souviens-tu du jour de nos fiançailles, que cé-
lébrait le rossignol, ce soir où le ciel si pur semblait sou-
rire à notre amour?... Lorsque tu retourneras à Valence,
tu iras visiter, en souvenir de moi, les lieux où il chan-
tait... Ah! pourtant, que j'eusse été heureuse avec toi,
Joseph !... Il est trop tard !... ta Madeleine va s'envoler,
mais quelque chose me dit que je reviendrai te voir, ainsi
que je t'en ai fait la promesse...
   — Méchante enfant! vous ne craignez pas de briser
votre Joseph, dit celui-ci, qui se berçait encore d'une
illusion. Au moment où nous aurions été l'un à l'autre,
où mon amour n'aurait vécu que de votre amour, pour-
quoi parler de séparation!... Cher ange, si tu meurs, je
veux mourir aussi, si tu meurs, je brise ma lyre, et ma
lyre m'est plus chère que la vie... La poésie la plus douce
est celle qui me vient de tes regards ! S'ils s'éteignaient,
mon souffle poétique s'éteindrait avec eux!...
   — Non, Joseph, tu es poète avant tout!.. Au nom de
Madeleine, laisse ton génie grandir encore! J'aimais la
poésie et l'amour personnifiés en toi! Que dirais-jede là»
haut, si je t'apercevais délaissant ton luth!.. A l'œuvre!
à l'œuvre! ô ménestrel!... quand je ne serai plus de ce
monde, tu chanteras la patrie!... C'est une grande, une
glorieuse mission ! Le nom de France ne résonne-t-il
pas dans ton cœur?... Tiens, je te vois tout frémissant
de patriotisme, même sous les épines que t'inflige ton
amour!... Comme je te trouve encore plus beau ainsi!...
Viens que je te donne mes baisers pour récompense, ô
fiancé de mon âme! Est-ce que le poète ne doit pas vivre
toujours? et pour vivre, il doit préparer son immortalité !
Toi, si inspiré, si tendra, si brillant, tu végéterais comme
un homme médiocre!... Oh! quel blasphème!... Joseph,
embrasse-moi, pour que je te pardonne! Tes caresses