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200               LA FONTAINE DU DUBLE.

rais pas une seule goutte de mon saug dans les veines, si
tu renonçais àun blason pour t'unir à un-vilain !.. J'aimais
ta mère, sans doute, mais si elle avait appartenu à la
bourgeoisie!..
   — Oh ! ne blasphémez pas, mon père !.. et au nom de
la pauvre morte, consentez à ne plus me parler du baron
de Crussol !..
   — Allons !.. je ne te contrarierai pas là-dessus, atten-
dant, tout de ia réflexion, mais tu sauras que je n'approu-
verai jamais une mésalliance comme celle dont tu me
parles. Assurément, Joseph est un jeune homme excep-
tionnel, mais les armoiries effacent, à nos yeux, toutes
les qualités possibles et tous les talents du monde. Je
suis franc et n'y vais pas par quatre chemins. Je devien-
drais féroce, vois-tu, plutôt que de te voir la femme d'un
plébéien quelconque. Comment ! tant de quartiers de
noblesse seraient foulés aux pieds pour la fantaisie d'une
 petite fille ?..
   — Ce n'est point une fantaisie, mon père, c'est un
attachement éternel !
   — Bah! cela passera comme autre chose... tout ce
que je puis te promettre, c'est de ne pas parler de ton
affection â la comtesse, car elle proscrirait tout à fait le
pauvre Joseph, et cet enfant-là, je l'aime malgré moi...
mais seulement comme ton frère, entends-tu?..
   — Merci, mon père, dit Madeleine, en pleurant ; je
vois que vous me chérissez toujours ! au milieu de ma
douleur, cela me fait du bien !..
   Le soir même, pour s'étourdir, le comte prenait le bâton
du voyageur, et sa femme, pour bouder à son aise, s'é-
loignait aussi, avec Elisabeth.

  Le lendemain, c'était une splendide journée du mois