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S 36                  L'ORDRE DU MOMENT.

coup ? vite, elle disait sur sa marguerite : un peu, beau-
coup, un peu, beaucoup,.. Hélas? c'est parce que jamais
une de ces malencontreuses marguerites n'a voulu dire :
beaucoup que Mademoiselle Mion a coiffé sainte Cathe-
rine.
    Le chevalier du Moment qui avait fait l'acrostiche
que j'ai cité mourut d'amour pour elle ; ne doutez pas,
lecteurs,ceci est de l'histoire.. Mourir d'amour! quellesu-
blime poésie ! quelles douces émanations du ciel dans ces
deux mots ! L'incrédule demoiselle fut alors convaincue,
et détestales marguerites trompeuses; elle était,ainsi que
sa mère, chevalière du Moment ; mais, elles se retirèrent
de l'Ordre après ce triste éTénement. Mion était blonde,
avait des yeux noirs,un teint blanc et pâle.. On dirait au-
jourd'hui : un teint de clair de lune ; elle était spirituelle,
vive, railleuse, tournait très-bien un quatrain, ainsi
 s'exprime l'historien; mais surtout sensible, aimante au
possible. Sa triste fin prouve bien la vérité de cette as-
sertion. L'infortuné chevalier qu'elle avait fait mourir
se nommait Louis P*", et avait fait tourner la tête à
plusieurs belles de Voiron et des alentours; furieuses de
la préférence qu'il avait donnée à Mion, elles résolurent
de se venger, mais de quelle effroyable manière, mon
Dieu ! Avec de l'argent, elles séduisirent la domestique et
la chargèrent de mettre une couronne de marguerites sur
le lit de sa maîtresse pendant qu'elle dormirait ; à son
réveil, celle-ci fut si vivement impressionnée de cette vi-
sion qu'elle poussa un cri et devint folle de douleur ; elle
mourut deux mois après, sans avoir recouvré la raison.
Dans une lettre que mon père s'est procurée et qui est
datée de Brest, je trouve ce curieux passage : « On ne
« se lasse pas, paraît-il, de clabauder contre notre Or-
» dre ; quand on a enterré la fameuse Mion, pendant