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                      L'ORDRE DU MOMENT.                  157

«   que sa dépouille était à l'église, le prêtre s'est écrié,
«   après les prières en usage : Voilà une victime de cette
«   Société futile, déréglée et mondaine ! Surexcitée par
«   les discours passionnés et pervers de ces chevaliers
«   beaux diseurs, cette malheureuse s'est habituée à ne
«   plus penser à Dieu, à se livrer à des rêves insensés
«   Nous l'avons tous vue se promener au clair de lune,
«   effeuillant niaisement des marguerites auxquelles elle
«   croyait mieux qu'à l'Evangile; elle a vécu supersti-
«   tieuse , elle est morte privée de raison. »

   Je crois que ce qui a le plus excité l'envie et la colère
contre les chevaliers du Moment,c'est leur refus constant
de recevoir dans leur Ordre des gens mal élevés et sans
amabilité; leur profession de foi que j'ai citée prouve que
leur but principal était de se rendre agréables en société
avec bon ton et décence ; or, pour cela il faut être gens
d'esprit. Cette douce orgie, qu'ils ont chantée, n'est ni la
débauche, ni un club politique ; on se réunissait pour
faire de la musique, de jolis vers et du sentiment, un peu
comme à l'hôtel de Rambouillet, mais sans affectation,
puisqu'ils ne voulaient ni faux airs, ni épigrammes.
Rappelons-nous qu'on y chantait :
           Ma sœur, ma sœur
           Je vous aime de tout mon cœur.

  Cela est tout uniment délicieux, français et un peu
gaulois sans être suranné. 0 ! mes bons chevaliers ! vous
ne fumiez pas; vous ne laissiez pas les dames se contem-
pler entre elles dans un coin du salon ; vous n'écorchiez
pas leurs fines oreilles avec ces vilains mots anglais bien
faits pour exprimer les exploits de la gent chevaline ;
vous n'aviez pas la prétention d'être tous de fins diplo-