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122 LE MYTHE D'iO. vant mettre où il lui plaît le point de départ de cette longue promenade des eaux et des nuages, pourquoi choisit-il l'Argolide plutôt que sa patrie, et cela devant un auditoire athénien ? Supposera-t-on qu'Eschyle a trouvé ce récit tout fait, et qu'il s'est borné aie mettre en beaux vers? Mais aul'a-t'il pu trouver ? Qui possédait à cette époque ces connaissances si pré- cises sur les vents, sur les courants, sur la marche à tra- vers le monde des molécules fluides, tantôt liquides, tantôt gazeuses ? Admettons comme exactes les observations des voyageurs que cite M. Forchhammer, ces observations existaient-elles au temps d'Eschyle, surtout réunies et systématisées? N'en retrouverions-nous pas la trace dans les géographes, comme Strabon, dans les historiens, comme cet Hérodote, si voisin d'Eschyle, qui a parcouru précisément tous les pays visités par Io , la Grèce, la Thrace, l'Asie mineure, l'Egypte? Si cette doctrine sur la marche des eaux et des nuages ne se retrouve nulle part, elle n'était donc pas généralement connue ; et comment Eschyle aurait-il eu la pensée de la développer si longuement, dans deux tragédies différen- tes, devant un auditoire qui n'y aurait rien compris? Sans doute il y a dans la mythologie une part d'allégorie. Tantôt l'imagination populaire, tantôt la réflexion des pen- seurs a revêtu des vérités physiques ou morales d'un voile sous lequel il faut les chercher.Toutefois, les vrais mythes ne contiennent que des vérités d'un caractère très-général et très-simple. En particulier, on ne trouve nulle part dans Eschyle de ces énigmes où semblent s'être complu les mythographes de l'école d'Anaxagore. Nous avons vu même (\) qu'il avait entièrement supprimé de l'histoire (1) Page 177.