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LE MYTHE »'lO. 101 formation du mythe. Eustache, Suidas, d'autres encore (1) nous apprennent que le mot lo. dans le dialecte des Argiens, ou du moins dans la langue de leurs mystères, signifiait la lune. Dès lors , le sens complet de la légende saute, pour ainsi dire, aux yeux, et l'on ne comprend pas que Macrobe ait pu s'y tromper au point de voir la terre dans la vache mythique que garde le géant. Io c'est la lune, dont le croissant est si bien figuré par les cornes de la vache. Ses courses errantes, ce sont les phénomènes lunaires, si désordonnés en apparence. Le géant qui la garde avec ses cent yeux, c'est le ciel avec ses innombra- bles étoiles. Le dieu qui la soustrait à son gardien et qui la tue, c'est le crépuscule qui efface les astres brillants, et fait disparaître avec eux le croissant vagabond. Nul mythe n'a une signification plus précise et mieux mar- quée (2), Ainsi se démontre le vrai caractère d'Io, si voilé dans la fable grecque. C'est une déesse lunaire, delà son identifi- cation avec la grande divinité phénicienne Astarté, repré- sentée comme elle, tantôt sous la forme d'une vache er- rante, tantôt sous celle d'une femme dont le front est orné de cornes. Mais Astarté, l'épouse du dieu-soleil Adonis, est aussi une déesse de la génération. Elle s'est dédoublée pour ainsi dire danslo et Aphrodite. La légende d'Io, comme celle d'Europe peut-être, est une traduction grecque, mais une traduction affaiblie des mythes lunaires de l'Asie. Les deux héroïnes grecques font partie, bien qu'à un rang subordonné, de cette nombreuse famille dont (1) Voir les textes dans H. Estienne, au mot i^, (2) Ou peut donc ne pas tenir compte des subtilités par lesquelles le savant M. Welcker, d'après Corautus, essaie d'expliquer dans un sens tout contraire l'Argiphontès de l'Iliade.