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86 LE MYTHE »'lO. maient à l'origine devenait une action personnelle, et •la métaphore , qui est l'essence des langues primitives, se confondait avec la réalité. Ce qui n'avait été d'abord qu'un mot de l'idiome commun , passait à l'état de divinité, et cette divinité avait bientôt son histoire, ses aventures merveilleuses créées comme elle de phrases et locutions dont le sens originel n'était plus compris. Ainsi, pour résumer par les expressions à peu près textuelles de M. Max Millier, la mythologie n'est pas une histoire, ni une morale, ni une religion ; ce n'est qu'un dialecte, une forme antique du langage que toutes ces choses ont revêtu. Ailleurs l'illustre penseur dit plus énergiquement encore : « La mythologie est en réalité une maladie du lan- gage (1). » Bien loin de nous inscrire en faux contre cette hardie doctrine, nous croyons apporter ici, par quelques faits qu'elle n'avait point encore signalés, des arguments nou- veaux à sa démonstration. Mais, en même temps, nous voudrions la mettre en garde contre l'esprit exclusif qui compromet les autres systèmes, en montrant, par un exem- ple frappant, que les mythes étant formés d'éléments di- vers et souvent hétérogènes, toute méthode d'explication n'a qu'une valeur nécessairement limitée, et qu'elle doit laisser place auprès d'elle à d'autres méthodes, qui, elles aussi, sont vraies en partie. La fable de lo est très- propre à montrer combien d'éléments distincts pouvaient entrer dans la composition d'un mythe grec. Les uns y ont vu un fait historique, les autres un symbole astrono- mique ; il nous sera facile d'y montrer la trace d'une in- fluence orientale ; l'étymologie et les variations de la lan- (]) La science du langage, p. 13 de la traduction française, 2e édi- tion. — Cf. Essai de mythologie comparée. Paris, Darand, 1859.