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DIVAGATIONS. 549 son plausible de l'avoir tué, sinon qu'il lui était ordonné de tirer sur lui. Combien de ces vainqueurs ont reçu des blessu- res dont ils souffriront le reste de leur vie ! combien ont perdu un bras, une jambe et peut-être tous les deux ! Chez combien les comba|s acharnés n'onl-ils pas développé des instincts féroces, des habitudes meurlrières ! Ah! plus j'y songe et plus je préfère à leurs drapeaux pleins de sang, les habits ta- chés de vin de la joyeuse partie de la montagne, au laurier de leur gloire le bleuet des prés ; à leur funèbre orgueil la gaîlé des promeneurs ; aux croix qui couvrent les poitrines militaires, l'œillet qui rougit la boutonnière d'un ami des champs ; au soleil d'jfusterlitz, en un mot, le beau temps qui favorise l'ascension aux Voironsde mes jeunes compatriotes en joyeuse humeur. Qui de nous pourrait dire que la pluie et le beau temps n'ont point d'influence sur son caractère ? Chez plusieurs, il est soumis aux diverses phases de l'atmosphère : ils s'assombris- sent avec le ciel, ou s'éclaircissent avec lui, et le nuage qui leur voile le soleil jette comme un crêpe sur leur dme. Quel solliciteur assez peu stylé, pourrait présenter sa re- quête un jour de pluie butante? Voyez, au contraire, comme les chances d'être bien reçu, s'augmentent pour lui des doux et tièdes rayons descendus des cieux, qui semblent apporter aux mortels la mansuétude et l'indulgence. Un beau jour, puis une bonne santé,sont,selon moi, les deux meilleurs véhicules pour conduire l'homme aux plus aima- bles vertus. Eh! comment pourrait-il refuser son aumône à l'indigence qui lui tend la main, quand, lui-même, léger de corps et d'esprit, restauré par le sommeil, il se promène aux fraîcheurs d'une matinée de printemps, et que 1 roi du jour caresse la prairie de ses obliques rayons ? Comment se ré- soudrail-il à ne pas contribuer au bonheur de son semblable, quand la nature lui fait fête et semble se parer pour le sien ?