page suivante »
IDÉAL DE LA GLOIRE. 531 jusqu'à la lie le calice des amertumes et des chutes. A ce demi-dieu, bien plus grand'qu'Achille», il ne restait de sa fabujeuse grandeur qu'une épée rouillée, de ses nuées de courtisans, qu'une poignée de serviteurs dévoués, de ses trésors, et de ses palais qu'une hutte de planches et un jardin potager battu par le vent de mer. D'inénarrables souffrances, d'accablants décourage- ments courbaient le plus souvent son front nuageux; des plaintes convulsives s'échappaient de sa bouche, ses yeux secs dévoraient des larmes de sa.ng. C'est qu'alors il lisait dans le passé, et le comparait au présent. Puis, tout à coup, son front se rassérénait, ses yeux étincelaient d'une chaude lumière, l'amer rictus de ses lèvres se détendait, sa poitrine se dilatait ; une confiance mystérieuse, une immense résignation éclataient sur son visage mat et plombé. C'est qu'alors son regard avait percé les voiles de l'avenir, et qu'il y avait vu écrite en traits de flammes sa resplendissante immortalité. Oh ! homme de Sainte-Hélène, toi aussi, tu avais bien conçu l'idéal de la gloire (1) ! (1) On lit ceci dans l'Histoire du Consulat et de l'Empire de M. Thiers, livre 62e : « Puis, dans son âme engourdie, une flamme d'orgueil jaillissait tout à coup. J'ai confiance dans l'histoire, s'écriait Napoléon. J'ai eu de nombreux flatteurs, et le moment présent appartient aux détracteurs acharnés, mais la gloire des hommes célèbres est, comme leur, vie, exposée à des fortunes diverses. Il viendra un jour où le seul amour de la vérité animera des écrivains impartiaux. Dans ma car- rière, on relèvera des fautes, sans doute, mais Arcole, Rivoli, les