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MOSAÃQUES D'UN RÊVEUR. -179
tralie, dans les forêts vierges de l'Amérique du Sud. Laissez-
le livré à lui-môme dans ces régions où l'homme est cons-
tamment en lutte avec la nature pour la dompter. Faites-en
un soldat, un marin, un pionnier; qu'il ait froid et chaud;
qu'il ait faim et soif; qu'il couche sur la dure, Ã la belle
étoile ; qu'il soit astreint à tendre toutes les facultés de son
esprit et tous les ressorts de son corps pour conquérir un abri
fugitif ou une nourriture grossière.
Faites cela et vous aurez guéri cet homme. Au bout de trois
ans de ce régime, les plaies de son cœur seront cicatrisées
C'est que l'impérieuse et exigeante brutalité des besoins
matériels laisse peu de place à l'expansion des douleurs mo-
rales, el il n'est pas au monde de meilleure panacée pour
la guérison de l'âme que les châtiments infligés au corps.
C'est ainsi que se comprennent les merveilles de pénitence
et de mortification accomplies par les ascètes : ils tuaient le
corps pour vivifier l'âme. Sur ce point, comme sur tant d'au-
tres, l'Eglise, en érigeant en précepte la mortification cor-
porelle, se rencontre et s'accorde avec la philosophie pure.
II.
. Pour les âmes délicates et généreuses, il y a, dans la na-
ture humaine, une imperfection saillante qui les louche, les
choque et les afflige tout particulièrement, c'est le caractère
éphémère, l'essence fugitive de la douleur.
L'homme a bien la volonté, mais non la puissance d'éter-
niser, ses douleurs. Ainsi, la mort vient de vous enlever un
être chéri dans lequel toutes vos affections s'étaient concen-
trées. Son départ laisse pour vous dans la nature entière un
vide effrayant, une désolation morne et implacable. Tout
vous semble insupportable et odieux. Vous éprouvez un ar-