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DANS LES ALPES. 225 — « Impossible, répond-il ; je ne connais pas de sentier, et nous ne pouvons revenir que par Pré-Saint-Didier. » — « Impossible !... Ce n'est pas vrai ; j'en connais un très- beau, sentier, et je l'ai pratiqué plus de cent fois. » La voix qui parlait ainsi était celle d'un jeune pâtre d'une quinzaine d'années, qui, drapé dans un manteau couleur amadou, coiffé d'un chapeau calabrais et fièrement campé sur son bâton, nous regardait délibérer avec l'air grave et sentencieux d'un enfant du désert. Nous de nous écrier a l'instant : — Ce qu'a fait ce jeune berger, nous le ferons bien, et de demander la direction de la route à suivre. C'est en vain que notre guide proteste contre celte fantaisie et nous menace des plus grandes déconvenues. Nous restons sourds à la voix de la sagesse qui sort de sa bouche, et déclarons nous ranger h l'avis de plus en plus affirmatif du jeune pasteur. Le guide alors, voyant tous ses efforts inutiles, s'enve- loppa dans une muette résignation, et se remit en tête de nous avec l'air d'un soldat brave et résolu qui exécute une consigne absurde. Tout alla bien pendant trois quarts d'heure. Nous enton- nions déjà un chant de victoire, en glissant rapidement sur les flancs de la montagne dont la base se rapprochait, quand, arrivés a un certain point que dérobaient à notre vue quel- ques arbustes, nous nous arrêtâmes brusquement, saisis d'horreur. Nous venions d'apercevoir sous nos pieds un gouffre béant, vertigineux, épouvantable. —11 en sera ainsi encore plus d'une fois, dit le guide en se- couant la tête. 11 fallut remonter la pente descendue pendant plus de mille mètres, pour tâcher de retrouver le vrai sentier. Nous 18