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848 DIVAGATIONS. meurtres, combien je préfère le refrain naïf d'un vieux trou- vère : Allons en bateau, ma bonne amie, Allons en bateau, Car il fait beau. Ce brave homme pensait, comme moi et comme bien des gens sensés, que le beau temps est le temps du plaisir, qu'il vaut mieux prendre sa canne pour se promener que son fusil pour se battre quand brille le soleil, quand la terre est parée, et que Dieu nous accorde les beaux jours pour toute autre chose que pour nous égorger les uns les autres. Qui de nous n'a joui de l'aspect du retour, animé de l'une de ces charmantes parties de campagne, faites durant une belle journée d'été ! comme ces jeunes gens et ces jeunes filles portent sur leur figure l'expression du contentement et d'une innocente joie! comme on voit à leur air qu'ils ont fait ample provision de gais souvenirs et de santé pour la semaine qui suivra ce dimanche écoulé au sein d'une riante nature et de l'air frais de nos montagnes! Voyez leurs chapeaux ceints d'une auréole de fleurs champêtres, et comme celte couronne conquise sur le printemps de l'année, s'allie bien avec le printemps de leur vie ! Leurs chants harmonieux soutiennent leur marche dont ils règlent la cadence ; leurs bras s'entrela- cent et leurs cœurs s'unissent. Là , se trouve le germe d'heu- reux hyménées, ou le premier chaînon d'une amitié qui les liera toute leur vie; là , règne la concorde, entretenue par le plaisir et Je beau temps. Et maintenant comparez avec ce tableau, celui d'une ar- mée victorieuse reatrant dans ses foyers : que de deuils elle a semés sur son passage ! que de soldats partis avec elle man- quent au retour ! Chacun des guerriers qui la composent a tranchéles jours de quelques ennemis, par cela seul qu'il por- tait un autre uniforme que le sien, et sans aucune autre rai-