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                   IDÉAL DE LA GLOIRE.                537

    Ah! douter de votre réponse serait vous faire injure.
    Échange de la misère et de la douleur contre la gloire,
 sublime marché! qui hésite à te conclure, celui-là n'est
 pas prédestiné.
    Étrange phénomène pourtant que celui de l'homme
 acceptant-une vie de malheur et même de supplice., à la
 condition da se survivre dans la postérité ! de voir sa
 mémoire surnager dans l'océan des siècles! Il y a là un
 phénomène supérieur qui s'explique par le besoin irré-
 sistible de personnalité que possède le roi de la créa-
tion. La passion de la gloire n'est autre chose que la
 passion du moi élevée à sa quintessence. Le culte du moi
bien dirigé et bien compris est le verbe souverain, le
moteur universel et puissant qui met en jeu les forces
cachées de la nature.
    L'amour de la gloire suffit à lui seul pour prouver
la personnalité et l'unité persistantes de l'âme humaine,
et pour mettre à néant tous les systèmes panthéistes.
Quoi ! l'on sacrifie tout pour donner à son nom terrestre
une empreinte personnelle et indélébile; un cœur bien né
méprise comme une vaine clameur le bruit qu'il fait de
son vivant, s'il ne se répercute dans la suite des âges ;
et l'âme immortelle, ce souffle autrement sublime et sa-
cré qu'un nom, ne garderait pas, elle, dans l'éternité,
son empreinte, sa personne, son moi? Elle s'engloutirait
sans souvenir d'elle-même dans je ne sais quel grand
tout dont elle ne serait qu'une parcelle, une molécule in-,
consciente? Elle perdrait la mémoire et le sens de son
existence antérieure ? Mais qu'est-ce donc qu'une pareille
immortalité si ce n'est le néantlui-même?
    Ah ! si le génie a la soif inextinguible de projeter sa
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