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202 BIOGRAPHIE POPULAIRE Un des grands plaisirs du Maréchal était de reparaître à Bel- lecour après la parade. Il montait à cheval une seconde fois pour se rendre à l'endroit où se fait la musique, et il se promenait là , sans aucune suite, pendant une demi heure. C'était de sa part une coquetterie de vieillard. « Voyez, semblait-il dire à tous, comme je porte bien mes 74 ans ! Tou- jours sous les armes, toujours à cheval, toujours prêt à entrer en campagne ! Ce fut seulement quelques jours avant mort sa qu'il cessa d'aller régulièrement à Bellecour à l'heure de la musique. Là , il était vraiment heureux ; lorgnant les dames, notant le salut des officiers, salut qui ne doit être fait qu'une fois dans un lieu public ; s'asseyant quelques minutes sur une chaise, de pré- férence aux pieds d'une jolie femme, toute confuse à la vue du cercle qui se formait immédiatement autour d'elle ; puis se rele- vant avec une pirouette, pour s'enfoncer au plus épais de la foule. Toujours suivi par une bande de gamins qu'un sergent de ville maintenait à grande peine, Castellane semblait aimer cette in- discrétion, cette curiosité qui ne s'est jamais lassée. Il l'encou- rageait même, en laissant tomber de sa poche soit des pièces de monnaie, soit des lorgnons, dont il avait toujours une provision de rechange et que l'espiègle troupe se disputait pour aller les reporter, contre rémunération, au valet de chambre du Maréchal. En résumé, assez grand seigneur pour ne pas craindre le ridi- cule, Castellane parut toujours chercher, dans la popularité seule, cette satisfaction intime dont les personnages haut placés ont besoin comme les autres hommes et qu'ils trouvent, les uns dans les affections de famille, les autres dans la familiarité de leurs favoris ; sauf un petit nombre à qui suffit, comme à Dieu, la contemplation d'eux-mêmes. iv. Un journal, spirituel quelquefois, railleur toujours, disait le lendemain de la mort du Maréchal de Castellane : « L'armée vient