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270                     DECHAZELLE.

Ce tact heureux, cette grande facilité, lui valurent plu-
sieurs fois un accueil distingué de la part des meilleurs
amateurs de la capitale, dont il allait visiter les cabinets.
   Etant sur les lieux, nous ne manquâmes pas d'aller
payer le tribut de notre admiration aux grands peintres,
dont la France s'honorait alors, et dont le dernier vient
de s'éteindre dans la personne de Gérard. Celui-ci faisait
son Bélisaire, Guérin venait de produire sa Phèdre, et
nous disait que ce tableau était son plus grand ennemi,
attendu que désormais il fallait faire mieux encore. Gros,
avec qui j'étais lié, nous montra plusieurs beaux portraits
de la famille Bonaparte, et travaillait à son chef-d'œuvre,
la Peste de Jaffa. De là nous nous rendîmes chez Girodet,
le peintre poète par excellence. Vous voyez, nous dit-il
avec humeur, je suis devenu bottier, tailleur, chapelier ;
dans ce moment je fais des pantalons. C'était pour se
moquer du sujet qu'on lui avait choisi, et pour dire qu'on
ne peut exprimer le sentiment du beau, sous un fatras
d'habillements.
   Comme on le pense bien, nous allâmes visiter le fameux
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David, et les deux plus célèbres statuaires du temps,
Bosio et notre ami Lemot. Ce dernier terminait son
Léonidas; le premier, après avoir mis au salon les beaux
bustes de M. Denon et de Joséphine, était occupé à faire
un Amour, et des bas-reliefs pour la colonne Vendôme.
David, qui venait d'exposer son tableau des Sabines,
travaillait à celui du Sacre de Napoléon. Nous eûmes
plusieurs fois l'avantage de faire la revue des tableaux
du musée du Louvre avec lui, au moment où l'on venait
de conquérir les chefs-d'œuvre des arts. M. Revoil, no-
tre ami, qui avait été son élève, était avec nous.