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832 IDÉAL DE LA GLOIRE. L'essence mystérieuse de la gloire est incomprise de la plupart des hommes; son vrai concept n'est donné qu'au petit nombre, à ceux qui placent le but suprême de l'existence dans l'infini invisible ou visible. L'infini invisible, c'est l'idéal du ciel, c'est la cité de Dieu; c'est là que tendent les saints. L'infini visible, c'est l'infini relatif, l'infini dans le temps; c'est la gloire ! c'est à elle que tendent invinci- blement certains êtres non pas saints, mais privilégiés. Des buts humains, c'est, incomparablement le plus noble et le plus élevé. Ce but, les saints l'atteignent aussi, il est vrai, sans le chercher; témoin saint Jérôme et saint Bernard. Que de fois les âmes vulgaires ont confondu et con- fondent encore tous les jours la gloire, phénomène idéal, avec la célébrité, la renommée, la notoriété, choses ter- restres, contingentes et grossières ! Les cœurs délicats et généreux sentent bien l'abîme qui les sépare. La célébrité, la renommée, n'ont d'autre analogie avec la gloire que celle du strass avec le diamant. Ah ! pour être pénétré de ce qu'est l'essence de la gloire, il faut isoler son âme dans les plus profondes re- traites du monde idéal ; c'est dans l'absolu, dans l'in- fini qn'elle possède sa source mystérieuse. La gloire est un des reflets de la splendeur éternelle du beau. Le mortel qu'elle visite devient lui-même une parcelle, un rayon de celte splendeur. La mémoire ra- Pyramides, Marengo, Austerlitz, Iena, Friedland ; c'est du granit ; la dent de l'envie n'y peut rien. Napoléon affichait ainsi une immense confiance dans l'histoire, même au sein de ce profond mais tranquille désespoir qui constituait l'état habituel de son âme. »