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                      LA DAME AUX BÉTES.                     447

qu'elle n'avait pas aperçu d'abord parce qu'il était resté en
arrière, se précipita sur elle et la tua net, sans qu'elle eût le,
lempsdefaire entendre les moindres cris. Hélas ! sa maîtresse
en poussa pour elle !! Ce furent des attaques de nerfs, des
sanglots, des pâmoisons à rendre fou de jalousie son défunt
époux, s'il en eût été le témoin ; le neveu s'enfuit en voyant le
résultat tragique de son infernale ruse, et ne douta presque
pas d'être déshérité par la veuve, qui, durant plusieurs jours,
refusa de le recevoir.
   Nous allâmes la consoler dans cette circonstance doulou-
reuse ; je fus effrayé de l'altération profonde de ses traits
et du désespoir empreint sur sa figure, et comme je com-
mençais alors à rimailler, comme disait ma famille, cette
pauvre affligée me conjura de mettre ma muse naissante au
service de ses regrets, et de corr poser une épitaphe pour le
tombeau de Doxine, qu'elle avait élevé dans son jardin. Tou-
ché de son chagrin, je me mis en devoir de satisfaire à ses
exigences sépulcrales, et, sachant que la pauvre chatte avait
été étranglée dans la quinzième année de sa vie, je compo-
sai pour elle le quatrain (umulaire qui suit :
            Sous ce terrain gît une chatte
            Qui trois lustres chez moi vécut,
            Et nul jamais ne s'aperçut
            Qu'elle eût des griffes à sa patte.

   J'ai déjà parcouru une longue carrière, mais je suis cer-
tain que jamais aucune poésie de mon crû ne causa une
joie aussi pleine et entière que ce quatrain. Ah ! si te public
avait pour moi la moitié de l'admiration dont cette pauvre v«u-
vefut embrasée en ces moments, je n'aurais rien à envier aux
gloires des Homère, Virgile, Dante, etc., etc., etc.
   Je puis dire que la pierre où l'on grava ces vers fut la
pierre de l'angle sur laquelle ma réputation de poète s'éle-
va dans ma commune, et que ma renommée est sortie de la