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                       DANS LES ALPES.                     363

ment dans les airs comme une série infinie de cloche-
tons.
    Après une heure de repos, nous nous reliâmes tous ensem-
ble avec des cordes comme au col Saint-Théodule, et recom-
mençâmes a monter. Cette troisième phase de l'ascension
n'offre pas de périls, elle n'est que très-fatigante. Outre que
l'inclinaison est rapide, la raréfaction" de l'air incommode
beaucoup. Il faut se retourner souvent du côté de la vallée
pour respirer plus à l'aise. A trois heures et quelques minu-
tes, nous étions au sommet du col (11,257 pieds), mais
avant d'y arriver nous éprouvions une très-vive émotion :
des cris perçants de détresse venaient jusqu'à nous; sans
nul doute, ce sont ceux de quelque malheureux égaré dans
ces âpres solitudes et tombé dans une cravasse. Une partie
de nos guides se détache et court dans la direction des cris;
on conjecture, on s'inquiète; bref, quelques minutes après,
nous étions en face d'un voyageur pâle encore et frisson-
nant, que son guide soutenait et reconfortait.
    C'était M. M..., officier d'état-major français, qui venait
d'êlre subitement enseveli jusqu'à la ceinture dans une cre-
vasse voilée qui avait cédé sous lui. Il s'était heureusement
retenu et cramponné aux parois, et avait pu attendre du
secours.
    Sa plus grandepréoccupation dans ce moment critique était
de ne pas perdre dans le gouffre le portefeuille renfermant
les longs et beaux travaux qu'il venait de faire pour la déli-
mitation de notre nouvelle frontière entre la France et le
royaume d'Italie, M. M... était l'un des officiers délégués en
1863 par le ministère de la guerre français pour cette mis-
sion de confiance, et depuis quatre mois parcourait tous les
jours ces solitudes désolées afin d'accomplir sa tâche. Elle
était presque terminée; une minute faillit lui en iaire perdre
les fruits. Il ne se serait pas consolé s'il se fût sauvé sans