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362 DEUX ITINÉRAIRES rôle k chaque pas. Tantôt on l'appuie horizontalement sur les deux bords d'une crevasse que l'on traverse ainsi en s'aidant des genoux et des mains ; tantôt on la dresse verticalement contre un mur de glace qu'il s'agit d'escalader ou de des- cendre. C'est alors que le vertige est hors de saison, car on voit sous ses pieds, entre les échelons, des abîmes profonds et mystérieux comme ceux de l'Océan. Que l'échelle glisse. que les parois sur lesquelles elle repose cèdent sous la pres- sion, c'est fait de vous ; il ne vous reste plus que la chance d'être retrouvé aussi intact qu'une momie, quand, après quelque 50 ans, le glacier vous rejettera comme une épave. Il faut trois heures environ pour franchir lapasse des iSe- racs. 11 était presque midi quand nous les quittions. C'était trop tard ; la glace était déjà partout amollie et ébranlée par le soleil. Je conseille h tous les touristes qui accompliront le même trajet d'aller camper, co^me le fit Saussure, sur la mer de glace elle-même, au pied des Séracs, afin de pouvoir les traverser h l'aube naissante. Cette opération accomplie, il ne nous restait plus qu'a gra- vir les âpres pentes de neige qui forment la crête du.col. Avant de commencer cette rude ascension, nous redemandâmes des forces à notre panier de provisions, et nous contemplâmes à loisir l'amphithéâtre grandiose qui nous entourait. A notre droite, la cime du Mont-Blanc attirait nos yeux par sa masse étincelante. Elle semblait, par cet effet d'optique fréquent dans les parages où l'altitude raréfie l'atmosphère, n'être.qu'à une heure de nous. Nous aperçûmes distincte- ment une caravane de touristes qui, partis la veille de Cha- monix, redescendaient le colosse. On pouvait les compter un à un, et suivre leurs mouvements. A gauche, la stature du mont appelé le Géant se dressait fièrement comme faîtière sentinelle du Mont-Blanc, puis l'Aiguille-Verte, le Mont-Mau- dit, lesJorasses, et cent autres pics s'élançaient capricieuse-