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DANS LES ALPES. 351 la sixième fois que je le visite, et son prestige est toujours le même sur mon cœur et sur mes yeux. A midi, nous abordons au Bouveret, tête de ligne du chemin de fer du Valais. Départ immédiat pour Martigny où nous arrivons à deux heures. Nous recrutons, a Martigny-le-Bourg, un guide, le brave et digne Pillet, que nous ne quittons plus jusqu'à notre retour, et dont le sang-froid, l'énergie, la bonne humeur et le désinté- ressement ne se sont jamais démentis un seul instant dans les pas difficiles que nous avons eu à traverser. Il égaie par ses saillies naïves l'ascension du versant valaisan de la mon- tagne qui conduit au col de la Forclaz. Dans cette région, la végétation déploie toutes ses splendeurs. C'est un luxe inouï de prairies, de forêts, de vergers. Les chalets sont noyés dans un océan de verdure , c'est l'alliance de la nature alpestre avec la nature normande. Une excellente route car- rossable est en train de s'y construire aux frais du canton du Valais. Nous ne suivons pas ses lacets qui allongeraient notre marche, mais nous y voyons distinctement circuler les chars à bœufs qui emportent à Martigny d'immenses chargements de glace destinés à être embarqués sur le chemin de fer pour rafraîchir l'Europe entière. Cette glace est arrachée au grand glacier du Trient par une armée d'ouvriers et descendue jus- qu'à la roule, sur les rails d'un chemin de fer en forme de montagne russe qui atteint le pied du glacier. Cette hardie spéculation a été organisée par un médecin de Martigny qui a conçu l'heureuse et peut-être lucrative idée de suppléer par ce moyen a la pénurie de glace qui afflige le continent par suite de l'hiver trop doux et trop bénin de 1863. A chaque halte, nous contemplons avec ravissement le splendide et célèbre panorama dont on jouit sur la vallée du Rhône et les montagnes de l'Oberland ; on dirait une carte de géographie en relief. Après avoir passé le col de la For- claz et le village si pittoresque de Trient, nous voici dans les