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268 DECHAZELLE. Pendant ce temps, M. Dechazelle envoie un exprès, pour nous apprendre qu'il va revenir à Parcieu, avec son beau-frère, et qu'il n'est pas éloigné de nous. Aussitôt je vole à sa rencontre, mais comme j'avais un costume presque militaire, il eut peur en me voyant de loin. Il veut rebrousser chemin ; je lui cours après, je l'atteins, el nous nous embrassons du meilleur cœur du monde, en bondissant de joie. Nous voilà tous réunis à Parcieu, débarrassés de la crainte révolutionnaire, nous livrant chaque jour à l'es- poir d'un meilleur avenir. En effet, on ne se fait pas une idée de la jouissance el du bonheur que nous goûtâmes dans cet aimable asile, où la paix nous était désormais assurée. M. Dechazelle, se livrant à la peinture des fleurs, faisait des chefs-d'œuvre, qui devaient lui attirer une gloire immortelle, en le plaçant à côté des plus grands maîtres en ce genre. Moi-même je profitais de ses leçons, peignant le portrait. Pendant ce temps, une'de ses nièces, Mlie Brossât, extrêmement gaie et spirituelle, pinçait de la harpe et chantait des airs charmants qu'elle avait composés. Mmc Dechazelle, la mère, qui avait beaucoup d'amitié pour moi, était aussi d'une grande gaîté. Je l'ai vue, à l'âge de 80 ans, débiter do longues tirades de vers et contrefaire avec les gesl.es les plus comiques les acteurs tragiques qu'elle avait jadis reçus chez elle. Nos heures de travail, de promenade, de repas et de prière étaient réglées au son de ia cloche, comme dans un monastère. Nous avons ainsi passé notre temps pendant plusieurs mois, et je puis dire que jamais je n'ai été si heureux. C'est en vivant de cette manière, en harmonie d'opi- nions et de sentiments, que M. Dechazelle et sa famille