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DECHAZELLE. 267
mots, M. Dechazelle étendant ses bras, laissa tomber le
plat à barbe, et aurait presque embrassé le donneur de
bonnes nouvelles, commefitle héros du poème d'Olivier,
en reconnaissant son ami dans la personne d'un barbier.
Pour s'assurer d'une nouvelle si importante, M. De-
chazelle interroge à droite, à gauche; enfin partout on
s'accorde sur ce fait qui semblait terminer le règne de la
terreur. Dès lors notre fugitif tient conseil avec son com-
pagnon de voyage, et l'on se décide à retourner à Parcieu.
Pour moi, qui avais dû me cacher dans le jardin dès
le matin, je changeai d'avis, et bien m'en prit; car dans
ce moment survint une pluie épouvantable, accompa-
gnée de grêlons gros comme des noix. Je m'étais blotti
dans une armoire de linge, dont j'avais laissé les portes
en tr'ouvertes. Couché de côté sur le rayon d'en haut, je
voyais les agents de la république à travers des piles de
draps de lit. Leur visite dura près de deux heures, en
sorte que placé constamment dans la même position,
évitant à peine de respirer, je ne pouvais plus supporter
cette attitude péuible, lorsque heureusement la pluie ayant
cessé, les visiteurs prirent le parti de se retirer, en lais-
sant les dames de la maison prisonnières chez elles, sous
caution. Un peu plus tard, nous voyons arriver le curé
du village. C'était un prêtre jureur, qui venait d'épouser
sa servante. D'un air tout consterné, il nous apprend la
chute de Robespierre et la débâcle de la commune de
Paris. La sœur aînée de M. Dechazelle, Mme Brossât, me
faisait signe afin de garder mon sérieux ; mais à me-
sure que le curé nous en disait davantage, nous nous
mîmes tous les deux à rire aux éclats, et moi à faire des
gambades.