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266 DECHAZELLE. pierre, il n'y avait sûreté nulle part. L'agent de la com- mune, Frangin (je le nomme par un sentiment d'estime et de reconnaissance), vint nous prévenir qu'il fallait se sauver, qu'on devait !e lendemain faire des visites domi- ciliaires à Parcieu, que M. Dechazelle et son beau-frère seraient arrêtés, s'ils ne fuyaient aussitôt. « Quant à « votre jeune homme (c'était de moi qu'il voulait par- « 1er), il peut se cacher dans le jardin en habit de « paysan, et vos dames peuvent rester, attendu qu'il ne « leur sera rien fait. » M. Dechazelle, toujours muni de son passeport, se dispose à s'en aller de grand matin avec son beau-frère. Costumé en ouvrier, ayant une veste grossière, un mauvais pantalon, de gros souliers, sans bas, la tête couverte d'un chapeau à cornes très-com- mun, il part, n'emportant avec lui que quelques assignats, un porte-crayon et un parasol couleur de rose. J'eus beau le supplier de renoncer à ce parasol, qui trahirait son déguisement, il n'y eut pas moyen. C'est ainsi qu'il cou- rut à travers les champs, pour éviter les grandes routes. Son intention était d'aller à Paris, se mettre dans quel- que manufacture d'indienne, en qualité de dessinateur, car il était pour le moment privé de toute ressource pé- cuniaire. Après bien des traverses, qu'il serait trop long de raconter, voyageant la nuit et se cachant le jour dans de méchants cabarets, il arrive à Mà con, chez un per- ruquier pour se faire raser. Comme il tenait le bassin et que son visage était tout barbouillé de savon, le barbier lui dit : Monsieur sait-il la grande nouvelle? Non, qu'est-il arivé? Le bruit court que Robespierre a été guillotiné, ainsi que les membres de la commune, que le peuple de Paris est dans l'ivresse de la joie, etc. A ces