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232                     DEUX ITWÉRAIBES

dans la mémoire des hommes ! — Demandez a un crétin
de la cité d'Aoste, quel empereur glorifie l'arc triomphal ; il
ne saura pas vous nommer Auguste. Demandez-lui où était
le lépreux, et du doigt il vous montrera sans hésiter la tour
maudite.
   En l'année 1862, au moment où nous traversions Aoste,
il y régnait dans les esprits une grande fermentation au su-
jet des réformes que le gouvernement italien imposait a ses
diverses provinces. Le duché d'Aoste est très-dévoué a
la maison de Savoie, mais n'aime pas qu'on touche à ses
vieilles coutumes. Il était surtout choqué de ce qu'on voulût
lui imposer la langue italienne comme langue officielle. Les
 habitants du Val, qui parlent un français très-pur, en étaient
 fort irrités. De nombreuses satires circulaient contre cette
 mesure , et une certaine chanson avait surtout le privilège
 de passionner les populations ; elle s'entendait h tous les
 coins de rue, sur je ne sais quel air de vaudeville ênergico-
 sentimenlal. Ce morceau , a côté de quelques vers négligés,
 offre des saillies qui ne manquent pas d'a-propos. Je ne puis
 résister au désir de le citer comme trait d'époque et de
 mœurs.
          Sur les genoux de la belle Italie,
          Le ciel propice a voulu nous placer.
          Nous garderons cette place chérie,
          Sur ces genoux aimons à nous bercer.
          Mais pour la langue, à quoi bon d'autres maîtres,
          Quand le français a pour nous mille attraits ?
          Parlons toujours celle de nos ancêtres ;
          Ils ont parlé, nous parlerons français.


           Pour épouser une langue étrangère.
           Répudier celle de Bossuet !
           Ne plus parler la langue de sa mère !
           Non, non, plutôt rester toujours muet.