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214 DEUX ITINÉRAIRES les comprendre. Partir avant l'aube du jour par un beau temps, gai, alerte et plein d'espoir; saluer les splendeurs du soleil levant à travers les cîmes neigeuses et les pics gi- gantesques ; passer dans les forêts-gémissantes au souffle du matin, et se sentir bercé par l'orchestre des pins et celui des cascades prochaines ; écouter mille bruits confus, mille harmonies indécises, depuis le ranz du pâtre jusqu'aux clo- chettes argentines des troupeaux de vaches estivants; rompre le jeûne dans un chalet ou au bord d'un frais sentier, a demi couché sur une pelouse émaillée de roses alpines, de gen- tianes, de rhododendrons et de cyclamens ; reprendre bra- vement sa marche à travers mille aspects et maints épisodes; sur le coup de midi, faire un somme profond h l'ombre d'une sapinière ou d'une châtaigneraie ; profiter ensuite des fraî- cheurs du soir pour achever la traite qu'on s'est fixée ; arri- ver au crépuscule, saturé d'émotions de tout genre et mou- rant de iaim, dans une auberge où l'on fait un repas simple mais délicieux ; et dormir ensuite d'un sommeil calme et réparateur pour recommencer le lendemain ; voila en rac- courci le voyage a pied. Il garde a ceux qui l'aiment des ivresses toujours nouvelles et ne connaît ni lassitude ni uniformité. Étant faite cette profession de foi sincère et sans détour, je demande au lecteur la permission de lui retracer mes deux derniers itinéraires dans les Alpes. Ils ont le grand mérite d'être trop peu connus et trop peu suivis, et rien n'en surpasse les charmes, pas même les magnificences de l'Oberland. Ils comprennent chacun une durée de dix jours et peuvent uti- lement tenter l'ardeur des touristes à qui leurs affaires ne laissent, chaque année, que la disposition d'un temps res- treint.