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198 BIOGRAPHIE POPULAIRE Il passe en rasant du genou la tête des chevaux attentivement contenus. Tout le personnel prend l'attitude la plus réglementaire. Il s'avance ! trois généraux de division, neuf généraux de brigade le suivent. Etats-majors, génie, artillerie, officiers d'or- donnance se mettent successivement en marche. S. E. tourne à gauche. Son cheval fait quatre temps de galop à son entrée dans la rue Bourbon. Alors, sur la place Bellecour, tambours et musiques éclatent en fanfares guerrières. Toutes les fenêtres se garnissent de spec- tateurs, surtout de dames, pendant que, sur la chaussée, la mul- titude s'ouvre devant la pointe d'avant-garde et se jette un peu effarée sur les trottoirs pour éviter les atteintes des coursiers surexcités de MM. les aides-de-camp. En arrière de ses officiers et à quinze pas, en avant des généraux et à même distance, le Maréchal chevauche seul, saluant à droite et à gauche et distri- buant avec impartialité son gracieux sourire et l'étincelle de son lorgnon, du faîte des maisons au seuil des boutiques. Sur son passage presque tous les hommes se découvrent. Son Excellence, elle aussi, est en grande tenue. Le large ruban de la Légion-d'Honneur s'étale sur sa poitrine littéralement couverte de croix et de plaques etincelantes et miroite comme ces légers nuages qui flottent sur un ciel cons- telle d'étoiles. Son chapeau bordé d'or, aux plumes blanches comme ses cheveux, est posé sur sa tête d'une façon que per- sonne avant lui n'avait probablement imaginée et dont personne après lui n'aura sans doute le secret. Ce chapeau n'est ni en colonne ni en bataille, pour nous servir des expressions consa- crées. Ce n'est ni la manière traditionnelle du Petit Caporal, ni celle de nos modernes états-majors, ni celle de la gendarme- rie. C'est la manière de Castellane, les archéologues auront fort heureusement, pour s'en faire une idée, la ressource de consulter les innombrables photographies éditées en l'an de grâce 1862. Le Maréchal a dans la main droite son bâton de commande- ment : sa main gauche tient très-lâches les rênes de la bride > car son cheval a été dressé à prendre de lui-même, et aux