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18Û MOSAÃQUES D'UN RÊVEUK. dent besoin de le suivre au-delà de cette terre, el d'aller parlagerson sort, quel qu'il soit," dans le monde invisible où le trépas l'a lancé. Désolé de ne pouvoir franchir la mysté- rieuse barrière qui vous sépare de lui, vous faites du moins le serment de conserver toute votre vie dans vos yeux les lar- mes arriéres que vous ne voulez pas tarir, de vous réfugier éternellement dans votre deuil, comme dans une tombe an- ticipée, et de rester vêtu pour toujours de celte douleur qui vous est à la fois chère et cruelle. Vous vous sentez profon- dément humilié et courroucé à la seule pensée que vous puis- siez vous trouver un jour consolé et guéri, el vous protestez avec indignation contre l'oubli futur. Puis le temps passe ; les jours, lesmois et les années s'é- coulent emportant, débris par débris, cet édifice de douleur que vous vous étiez construit. Vous vous raidissez en vain; vous avez beau lutter contre celte ruine; il vient un jour où votre souffrance n'est plus que l'écho vague et lointain d'un passé qui s'efface. La cicatrice est faite, la plaie est fermée. Vous avez honte de vous-même, mais l'Å“uvre de l'oubli est consom- mée, et c'esl à peine si, aux heures de solitude et de recueil- lement, le souvenir du mort tant aimé passe sur votre âme comme une ombre fugitive. Voilà l'homme. On s'explique, en présence de cette loi naturelle, le sacri- fice des femmes de l'Inde s'immolant sur le bûcher de leurs maris, et celui de ces héros barbares qui se tuaient pour ne pas survivre à leurs frères d'armes. Il y avait là une grande idée. C'est prévoir l'oubli fatal, involontaire, inévitable, et le prévenir par l'immolation de soi-même. Tout ceci n'empêche pas qu'en thèse générale, la fragilité de la douleur ne soit un grand bienfait de la Providence. Que deviendrait la masse des hommes si elle était incurable? Cette fragilité qui semble une profanation et un sacrilège Ã