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DECHAZELLE. iî& fort cher, comme objet de curiosité, tandis que le reste de l'étoffe se débitait également bien. L'esprit de M. Dechazelle était si fécond, si ingénieux pour les nou- veautés, qu'il surprenait sans cesse -les acheteurs par la hardiesse et l'éclat de ses compositions. Le genre de dessin qui le distinguait était un effet piquant, une com- binaison de nuances toute particulière, qui faisaient riva- liser ses ouvrages avec la peinture même. Aussi l'appe- lait-on le Flamand des étoffes nuancées, le Raphaël de la fabrique lyonnaise. Chaque année, il préparait, pour l'arrivée des commissionnaires du Nord, des composi- tions nouvelles, suivant le goût de chacun. Il tenait ces objets enfermés dans une armoire du magasin, et quand on lui demandait s'il avait quelques échantillons nou- veaux, on était surpris et l'on donnait des commissions immenses. Un jour, le barqn de Geramb s'aperçut que M. Dechazelle cachait une pièce d'étoffe dans son pla- card. « Que faites-vous? lui dit-il; permettez-moi de voir ce que c'est. » Après beaucoup d'insistance, le jeune homme répondit : « Je n'ai rien de caché pour vous, mais j'ai peur que vous vous moquiez de moi ; tenez, la voilà 1 —Comment! dit le baron, homme de goût, c'est barbare, mais c'est souperbe! Je veux que toutes mes commissions en tentures, en robes, en mou- choirs, en vestes, soient dans ce genre. » Effectivement,le succès fut complet, puisqu'aux foires d'Allemagne on se disputait pour avoir de ces étoffes. Cette circonstance porta le baron de Geramb à se lier d'amitié avec M. De- chazelle et à lui faire des propositions dans l'intérêt de son négoce. Le jeune dessinateur refusa, dans la crainte de tomber de trop haut en cas d'accident. D'ailleurs, il