Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                        LES CROISADES.                     141

faibles se.laissent aller a des actes insensés. Notre âge n'a-t-
il pas vu l'émotion guerrière, excitée par nos grandes luttes
européennes, survivre à ces luttes, se communiquer aux
tranquilles habitants de nos campagnes, des villages s'armer
contre d'autres villages, et des troupes de jeunes garçons,
déployant un courage sans but, offrir, après coup., au milieu
de la paix, le spectacle du jeu sanglant des batailles ? Mais ce
n'est point sur de telles singularités que l'on doit juger les
prodigieux ébranlemenls qui ont entraîné plusieurs généra-
tions. Assurément ces croisades de femmes et d'enfants n'ont
rien de commun avec le côté sérieux des expéditions saintes.
Ce-côté sérieux est dans le sentiment profond, exceptionnel
qui détermina nos pères du moyen âge à partir pour l'Orient;
 sentiment réfléchi seulement chez quelques-uns, spontané
dans le plus grand nombre, identique chez tous.Nos pères ne se
 rendaient pas tous compte du but qu'ils voulaient atteindre,
mais leur bon sens leur disait que ce qu'ils entreprenaient
était utile, juste et saint. L'histoire va nous montrer s'ils se
trompaient.
   Que l'on me permette ici, dans l'intérêt de la cause que je
défends, de rappeler un événement qui'produisit, enFrance,
plus qu'ailleurs, une vive et douloureuse sensation, il y a
quatre ans. Lorsqu'en 1860, la nouvelle arriva tout à coup
que des milliers de chrétiens en Syrie étaient tombés sous le
fer musulman, n'est-il pas vrai que nous fûmes tous égale-
ment frappés de consternation? Une sympathie générale
éclata parmi nous. Il semblait que nous fussions tous atteints
du coup qui avait fait couler le sang de nos frères, et, a nos
yeux, cet acte inqualifiable de barbarie humiliait autant le
Christianisme qu'il outrageait l'humanité. Non-seulement
la chrétienté européenne s'empressa de secourir la misère
de la famille syrienne, la France se hâta d'envoyer en Orient
son drapeau et six mille hommes pour assurer la punition de