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140 LES CROISADES. dans la chaire, les panégyristes de Louis IX osaient à peine parler des exploits du pieux monarque, en Egypte et devant Tunis, lorsqu'on appelait les Français des Welches, et qu'on se permettait d'insulter notre he'roïque nation sous ce pseu- donyme dérisoire-, alors, oui, on conçoit que les mots pieuse folie, substitués a celui de Croisades, pouvaient être entendus sans provoquer de répulsion. Mais après les guerres de la Révolution française, pour la liberté; après l'expédition d'Egypte, pour le triomphe de la politique d'un homme ; après le grand travail de M. Michaud sur les Croisades, après nos coups de canon en Crimée, le massacre des chrétiens en Syrie, lorsque la question d'Orient fixe plus que jamais les regards des puissances de l'Europe, dire que les Croisades ont été une pieuse folie, faire retentir aux oreilles de la gé- nération de 1864 ce lointain écho des railleries usées d'un autre siècle, cela est inadmissible. Les Croisades, une pieuse folie ! Mais pour qu'une pareille qualification fût tolérable, il faudrait faire des suppositions invraisemblables. 11 faudrait supposer que la France, l'Angle- terre, l'Italie, l'Allemagne, l'Europe, en un mot, ont donné dans une folie; que cette folie a duré deux siècles consécutifs; que les plus grands esprits, pendant ce laps de temps, ont sacrifié sans s'en apercevoir à une folie ! Mais cela est in- croyable. Sans doute, il a été fait des folies, a l'occasion des Croi- sades. Par exemple, ces rassemblements tumultueux d'hom- mes de toute condition, partant sans armes, sans vivres, sans guides, désolant les lieux par où ils passaient, étaient dés folies ; ces bandes de femmes, d'enfants, qui croyaient aussi, eux, aller délivrer le tombeau de Jésus-Christ, étaient des folies. Et cela s'explique par l'infirmité de la nature hu- maine. Quand les peuples sont remués, comme ils l'étaient alors, par une idée forte, la passion s'en mêle, et les esprits